Antoine Cornic (Human Immobilier), 26e à finir sa traversée !
Ce fut, assurément, une épreuve « dengue » pour Antoine Cornic, qui a franchi la ligne d’arrivée de la première édition du Retour à La Base en vingt-sixième position mercredi 13 décembre, à 06h19. Le skipper de Human Immobilier aura bouclé les 3 500 milles théoriques du parcours en l’espace de 12 jours 13 heures 19 minutes 23 secondes, à une vitesse moyenne de 11,61 nœuds. Une performance sportive en soi, qui plus est quand on sait dans quel état le navigateur rétois, entre fièvres et douleurs, a parcouru ces 4 099,98 milles à une vitesse moyenne de 13,61 nœuds.
Il faut imaginer les suées, les nausées, les migraines à se taper la tête contre une épontille. Les longues journées à somnoler sans parvenir pour autant à jamais se reposer, l’impossibilité de se nourrir d’autre chose que d’un peu d’eau sucrée et citronnée. Le tout, on allait presque l’oublier, au milieu des dépressions de l’Atlantique Nord, sur un bateau de 60 pieds bringuebalé qui ne demande qu’à accélérer. Voilà le tableau dans lequel a évolué Antoine Cornic durant une bonne partie de son Retour à La Base, dont il a chroniqué les journées à la manière d’un carnet de santé.
A tous les amateurs de médecine tropicale ou les hypocondriaques zélés, sachez donc que la dengue « se manifeste brutalement après quatre à dix jours d’incubation », selon les doctes instructions de l’Institut Pasteur. La pause martiniquaise après l’arrivée de la Transat Jacques Vabre a beau avoir été très courte – cinq jours seulement pour le skipper de Human Immobilier, qui a fini 30e à l’aller -, elle a visiblement été suffisamment longue pour lui permettre d’embarquer en passager clandestin ce vilain virus, visiblement pas très volontaire pour aider aux manœuvres…
« Osmose quasi physique »
Dès la deuxième nuit, c’est « un cauchemar » qui commence pour le Rétois, qui se filme en plein pic de fièvre au fond de la bannette. C’est donc parti pour une semaine à subir, mais aussi à « faire corps » avec son bateau, cette cigogne qui semble prendre soin de lui à sa manière, puisqu’elle le ramène malgré tout vers la maison. « Je me suis toujours demandé quelle sensation cela faisait d'être en osmose quasi physique avec son bateau. Je pense comprendre maintenant ! J'ai l'impression qu'il est à mon écoute autant que je suis à la sienne quand je suis en forme, c'est fou ! Ou c'est moi qui deviens dingue sous les poussées de fièvre… »
Une manœuvre qui d’ordinaire prend dix minutes ? « J’en ai pris 40 et j’ai dormi six heures après ». Envolés les enjeux de course. Seule compte la survie : « Je fais tout pour rentrer et ramener mon bateau », écrit le marin qui s’attache avec une courte longe en permanence, de peur de « glisser et ne pas pouvoir me relever. »
Enfin arrivé aux Açores, le skipper commence à retrouver des couleurs, même sans être à 100 %. « J’arrive quand même à faire deux-trois trucs maintenant, c’est déjà plus simple », écrit-il. Heureusement, car voilà que l’amure devant lâche, et l’oblige à un épuisant rangement. Il en viendra à bout, tout comme cette traversée du golfe de Gascogne finale, où, enfin, Antoine Cornic envoie un « selfie » souriant, rassurant.
« La dengue “classique”, bien que fort invalidante, n’est pas considérée comme une maladie sévère », conclut l’article de l’Institut Pasteur. Peut être qu’Antoine Cornic pourra leur écrire pour nuancer ce propos, tout en étant obligé de reconnaître qu’il a bien réussi, malgré ce petit invité surprise, à terminer cette transatlantique en solitaire à l’envers. Repos soldat !
IL A DIT :
« Ça a été une transatlantique vraiment atypique. J’ai eu la dengue une trentaine d’heures après le départ. Ça s’est déclaré quand j’étais à la maison en Martinique mais j’espérais passer à côté et pas du tout. J’ai eu 40 de fièvre, c’était l’enfer. Ça a duré cinq jours. Dans mon malheur, on était au près dans du vent fort et une mer débridée donc je n’avais pas vraiment besoin de faire beaucoup de manœuvres. Finalement, j’ai limité la casse. Là où j’ai souffert, c’est quand je devais mettre le petit gennaker. Je n’avais pas les capacités physiques de mettre le grand et pour mettre le petit, j’ai mis plus de trois heures. Je crois qu’il doit y avoir un peu de vomi dans le petit gennaker mais il est à bord et il n’est pas cassé !
J’ai vachement appris sur le bateau, il allait hyper bien au portant. Pourtant, la mer était dure, le bateau souffrait. Ça fait trois jours que je suis sous J2, je me suis reposé mais physiquement je ne suis pas au top. Le bateau ne m’a jamais fait de crasse et j’en suis hyper content. C’est un bateau qui est fait pour le Vendée Globe. Il me manque juste à trouver un peu de sommeil dans les envolées lyriques… J’ai pris 31 nœuds avec le bateau mais ça s’est vachement bien fini. Je suis content d’être à Lorient ! »
Sa course en chiffres
Heure d’arrivée : 6h 19 min 23 sec
Temps de course : 12 jours 13 heures 19 min 23 sec
Écart au premier : 3 jours 13 heures 15 min 35 sec
Milles parcourus : 4 099,98 milles
Vitesse moyenne réelle : 13,61 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 11,61 nœuds