En attendant les grandes manœuvres : au Nord toute !
Jusqu’à demain soir, la tête de flotte va continuer sa progression au Nord. Ce n’est qu’après le contournement de l’anticyclone qu’ils commenceront à filer vers l’Est et à devoir composer avec les dépressions. En attendant, tous redoublent d’intensité et résistent à des conditions pas toujours agréables. État des lieux alors que Jean Le Cam est arrivé en Martinique cet après-midi.
Chacun son rush, chacun son chemin. De ce côté-ci du globe, en ce premier samedi de décembre, il faut le trouver sur les parkings des supermarchés et des magasins, Noël se rapprochant à grands pas. De l’autre côté de l’Atlantique, à près de 1 000 milles à l’Est des côtes floridiennes, c’est un tout autre rush qui monopolise 31 solitaires téméraires. Sus au Nord ! De quoi faire presque oublier que ces femmes et ces hommes n’avaient encore jamais disputé de course en solitaire cette saison. Les automatismes sont donc vite revenus et l’intensité de ces premiers jours de course est saisissante.
« On reste bien occupés » (Sam Goodchild)
Il n’empêche, les forces en présence sont inchangées depuis la veille. Jérémie Beyou(Charal) impressionne toujours et mène les débats avec près de 30 milles d’avance sur ses poursuivants. Neuf autres skippers composent le peloton suivant avec Sébastien Simon(Groupe Dubreuil) en tête. Leurs vitesses moyennes avoisinent les 19 nœuds et la moindre variation est scrutée par les concurrents.
La nuit précédente et le passage du front n’ont pas été de tout repos. « Ça tapait très fort, j’ai eu l’impression que tout le bateau allait exploser », reconnaît Sam Davies(Initiatives Cœur).
« La nuit n’a pas été facile avec un état de mer et du vent pas très stable, abonde Sam Goodchild (For The Planet). Nous avons eu 23-24 nœuds de vent et ça tombe à nouveau… Je suis constamment en train d’essayer de régler le bateau et les voiles pour garder la vitesse et ne pas perdre de milles. On reste bien occupés ! »
Cette intensité est à maintenir jusqu’à demain soir. Les skippers continuent en effet à faire du Nord pour contourner l’anticyclone et mettre enfin le cap à l’Est, direction la maison !
C’est ensuite que cela se corse. « Des dépressions se forment sur le parcours en début de semaine, souligne Christian Dumard, le météorologue de la course. Plus les skippers iront au Nord, plus le vent sera fort et la mer formée. Ce sera à eux de faire le choix de se caler plus ou moins Nord par rapport à ces dépressions ». Il va falloir être “bon marin”.
« du jamais vu entre deux courses »
Près de 270 milles séparent le leader Jérémie Beyou(Charal) et Fabrice Amedeo(Nexans-Art & Fenêtres) en queue de peloton tandis que le valeureux Tanguy Le Turquais émerge à 260 milles plus au Sud. Le skipper de Lazare a déjà réalisé un exploit en soi : il n’a effectué que 10 heures d’escale, hier, « du jamais vu entre deux courses », dixit Hubert Lemonnier, le directeur de course. Un autre skipper a également fait escale en Martinique aujourd’hui : Jean Le Cam(Tout commence en Finistère – Armor Lux). « Il a bénéficié des alizés dans les derniers milles, précise Hubert. Jean va installer sa base logistique au Marin et il pourrait repartir d’ici 2 à 3 jours ».
Au sein de la flotte, cette longue remontée par le Nord n’a rien d’un long fleuve tranquille. Et c’est Romain Attanasio(Fortinet – Best Western) qui en parle le mieux : « on est au reaching, c’est hyper bourrin, ça tape ». Lui souffre « d’un bras endolori » et « pense avoir de la fièvre », ce qui a poussé la docteure de la course à le mettre sous antibiotique. « Ça me casse un peu, je me sens bien fatigué mais ça va aller ! » De son côté, Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence) a eu « la bosse de ris (le réglage qui permet de réduire la grande voile) qui a explosé » hier puis un dysfonctionnement d’un ballast qui a occasionné une voie d’eau. « Le bateau n’a pas fini de me réserver des petites surprises ! »
L’incroyable cadeau d’anniversaire de Conrad Colman
Face aux difficultés et pour tenir bon, rien de mieux qu’apprécier les si nombreux atouts de l’océan. François Guiffant (Partage) s’enthousiasme du « passage de quelques fous de Bassan au-dessus de sa tête ». Antoine Cornic (Human Immobilier) savoure simplement, malgré la dengue qui lui mène la vie dure : « la vie est penchée et j’embrasse la mer pour vous ». Il y a la même idée d’un bonheur intense chez Conrad Colman (Mail Boxes ETC.). Ce samedi 2 décembre, il fête ses 40 ans et la nature lui a offert le plus beau des cadeaux : « un coucher de soleil franchement magnifique, avec de l’orage », confie-t-il. Et le Néo-Zélandais d’assurer, presque avec poésie : « le soleil s’est couché sur ma jeunesse ».