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Excusez leur impolitesse, ils n’auront pas le temps de s’essuyer les pieds sur le paillasson… Les leaders du Retour à La Base s’apprêtent à enfoncer la seconde porte du parcours façon « IMOCA-bélier », et préparent déjà leur atterrissage sur le port de Lorient, fin prêt à les fêter dignement. Rendez-vous pris samedi aux alentours de 16 heures pour le vainqueur !

Yoann Richomme(Paprec Arkéa) a-t-il un train à prendre dont il aurait oublié de faire mention à la Direction de course ? Une chose est sûre, il devrait être en avance sur le quai lorientais, vu le rythme qu’il continue d’imposer en tête de flotte de cette première édition du Retour à La Base. Attendu en fin d’après-midi samedi 9 décembre sur la ligne, le « bizuth » du solitaire en IMOCA – c’est dire la performance qu’il est en train de signer ! - négocie actuellement avec un dernier front, le « boss final » de son Atlantique Nord, qui affole les girouettes avec des rafales à plus de 40 nœuds. 

Derrière lui, Jérémie Beyou(Charal) est toujours privé d’aériens pour l’informer de la force du vent, mais en subit lui aussi les assauts incessants… Presque aussi pressants que ceux de son gourmand poursuivant Sam Goodchild(For The Planet), qui espère encore pouvoir grimper d’une marche supplémentaire sur ce podium qui lui tend les bras ! Entre ces deux combattants, le bras de fer risque bien de durer jusque dans les derniers milles…

Si le trio gagnant jette toutes ses forces dans cette ultime bataille, Lorient aussi a sonné le clairon et lancé la mobilisation générale ! Partout déjà, une fourmilière de bénévoles s’agite pour préparer la belle fête populaire qui s’annonce à La Base. Avec une série d’animations culturelles et musicales, le port morbihannais espère bien montrer qu’en matières de festivités, sa réputation est loin d’être volée ! Et c’est bien en fanfare, avec le déjanté quintet quimpérois JAHINER, que devrait être célébrée la première arrivée.

Délivrance tant attendue

Cette délivrance, tous les marins commencent sérieusement à y songer. Ce n’est pas Alan Roura(Hublot) qui nous contredira ! Le marin suisse, qui ne cesse de grappiller les places et pointe désormais en 15e position, évoque non sans humour les difficiles conditions rencontrées. « De nouveau une nuit où tu te demandes ce que tu fais là ! Je me sens vraiment dans un sous-marin. Je me dis pauvre petit bateau mais en fait c’est moi la victime dans l’histoire ! Je ne dors pas, je ne mange quasiment pas et je passe mes nuits accroché dans mon siège à attendre que ça passe. » Et le navigateur de se projeter déjà sur l’avenir, après une saison qui « commence à être longue ». Au programme ? « Vacances, un bon bain et un petit coup de rouge au coin du feu ! »

En parlant de rouge, un peu plus loin devant, le duel des bateaux vermillon ne connaît pas d’interruption ! Depuis les premiers jours de course, Samantha Davies(Initiatives Cœur) et Damien Seguin(Groupe Apicil) ne se quittent pas d’une semelle et se battent actuellement pour accrocher le Top 5 ! « J’ai troqué mon short , mon T-shirt et mes crocs pour la sous-couche intégrale, les chaussettes, les bottes et le bas de ciré, écrit ainsi le skipper de Groupe Apicil, qui a fait un douloureux vol plané de trois mètres dans son bateau. « Vu l’intensité de la course avec mes petits camarades, pas sûr que j’ai d’autres chances de me changer d’ici l’arrivée… » En d’autres mots : rouge sur rouge, rien ne bouge ! 

Panne de réveil et cassoulet « à la créole »

Devant ce duo, Boris Herrmann(Malizia – Seaexplorer), en proie depuis plusieurs jours à de multiples soucis techniques qui l’ont éprouvé physiquement, n’a en tous cas pas l’intention de les laisser passer.  En revanche, Nicolas Lunven(Holcim PRB), actuellement 8e avec son décalage au Sud, a perdu du terrain au passage des Açores. La raison de ce ralentissement est peut-être à trouver dans une pile défectueuse… Car oui, les pannes de réveil ne concernent pas que le commun des mortels ! Le skipper lorientais a confessé en avoir été victime la nuit dernière… Résultat : 6 heures de sommeil d’affilée, et une trajectoire pas franchement optimisée ! Mais le marin aborde au moins cette dernière ligne droite un peu plus reposé que ses concurrents, et c’est peu dire que ces dernières ressources vont être précieuses pour aborder les ultimes jours de course. 

Pour Kojiro Shiraishi(DMG MORI Global One), l’organisme est décidément mis à rude épreuve. Le Japonais, qui souffre de douleurs dentaires, avoue « une très grande fatigue » dans les rafales à plus de 40 nœuds. D’autant que son rival direct, Arnaud Boissières(La Mie Câline), a sorti l’artillerie lourde ! Pour célébrer son prochain passage des Açores, il a prévu un dîner bien spécial : un cassoulet « à la créole », trouvé en Martinique avant le départ. « Avec ça, ça va gazer » promet le skipper des Sables d’Olonne, actuellement en 17e position. 

Rien de tel au menu de Louis Duc(Fives Group – Lantana Environnement), malheureusement victime d’une déchirure de voile. « Je vais probablement me mettre sous le vent de Sao Miguel cette nuit pour avoir moins de vent et moins de mer et pour finir de mettre de l’ordre », prévient le skipper normand, qui avait fait ces derniers jours une superbe remontée au classement, se hissant en deuxième position des bateaux à dérive. C’est peut-être Conrad Colman(Mail Boxes ETC.) qui en profitera derrière, lui qui se régale dans les conditions musclées rencontrées dans le front actuel. 

Un goût des mers du Sud

Adressons là d’ailleurs une pensée émue pour toutes les perches à selfie qui, vaillamment, témoignent des situations particulièrement violentes vécues par nos marins, et des milliers de litres d’eau salée qui déferlent chaque seconde sur leurs ponts ! Si Tanguy Le Turquais(Lazare) parle ainsi d’un retour « sauvage » à quatre pattes dans le bateau, l’éternel positif se réjouit : « J'avoue que je n’ai jamais rencontré ce genre de conditions, mais les gens qui ont fait le Vendée Globe disent que c'est ce qu'on peut rencontrer dans les mers du Sud. Donc, je suis ravi de découvrir ça et de voir qu'un bateau comme le mien passe plutôt bien. »

Ravie, c’était aussi la mine affichée par Pip Hare(Medallia) en dégainant son dernier fruit de la passion de son sac d’avitaillement, « un signe d’espoir qui me fait dire que ce sera une bonne journée »… avant de recracher le tout, hilare, devant la caméra pour cause de « goût infect et horrible ». Décidément, sur ce Retour à La Base, nos marins ne sont pas au bout de leurs surprises, et ne savent jamais vraiment à quelle sauce ils vont être mangés !