Féroce bataille en mer pour la flotte désormais au complet
Les Açores se rapprochent pour la tête de flotte du Retour à La Base. Toujours solide leader, Yoann Richomme (Paprec Arkéa) devrait franchir la première porte du parcours en fin de nuit, avec une confortable avance de plus de 70 milles sur son dauphin, Jérémie Beyou (Charal). Derrière, la cavalerie continue d’attaquer, les coureurs se livrant d’intenses offensives, à tous les niveaux.
Un peu plus à l’Ouest, un cavalier solitaire a quant à lui surgi hors des Antilles… Six jours après le départ de ses petits camarades, Jean Le Cam (Tout Commence En Finistère – Armor-Lux) a pris le départ, ce mercredi 6 décembre, du Retour à La Base, étape indispensable dans son processus de qualification au Vendée Globe sur son destrier flambant neuf. C’est donc pour une longue chevauchée en solitaire que s’embarque le doyen de la course qui va rencontrer des conditions météorologiques bien différentes du reste de la flotte. Une épreuve qui ne l’effraie guère, il n’en est après tout plus à son galop d’essai !
Tanguy Le Turquais recolle au paquet
À plus de 700 milles derrière, c’est une autre bataille qui fait rage. Depuis 21h30 mercredi soir, Tanguy Le Turquais (Lazare), n’est officiellement plus le 31e bateau de la flotte. Parti avec 28 heures de retard sur ses concurrents, le Lorientais a cravaché pour revenir sur la queue du peloton, à la faveur d’une météo qui lui a permis de faire route directe vers le Nord. Le voilà désormais en chasse de Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group), qui, pour se redonner du baume au cœur, s’est offert « le vrai luxe » d’un apéritif improvisé… « Un petit morceau de saucisson, quelques cacahuètes et un fond de rouge, comme ça, au milieu de nulle part, entouré de l’infini, et ça, ce n’est pas rien ! »
Bien calé dans son siège de barre, c’est plutôt d’eau que Louis Burton (Bureau Vallée), actuellement 8e avec un positionnement plus au Nord de la flotte, semble entouré. Dur de se concentrer sur ses paroles tant le spectacle qui se joue derrière son cockpit transparent impressionne. Pas de doute, ça bastonne ! « Tout va bien à bord, les conditions sont en train de se muscler », confirme le Malouin avec un calme désarmant de contraste. « La mer grossit, c’est pas une grand houle qu’on dévale à toute berzingue, ce sont des vagues très courtes, dans lesquelles on a tendance à enfourner, s’arrêter, et se faire rattraper par la vague d’après », explique le skipper, qui semble en pleine soirée mousse au milieu de l’Atlantique.
Nouveaux records personnels
Même machine à laver pour Pip Hare (Medallia), légèrement ralentie par une avarie sur un foil, mais qui avait envoyé juste avant quelques images de ce remue-ménage et un chiffre : 37,2 nœuds, nouveau record de vitesse personnel !
En parlant de ménage, l’heure était d’ailleurs au coup de propre pour certains marins du Retour à La Base. Au septième jour de course, il ne faut pas se laisser aller à ne plus ranger sa chambre ! En 24e position, Manuel Cousin (Coup de Pouce - Giffard Manutention) a ainsi donné un bel aperçu de son intérieur, et son alignement parfait de sacs : « Tout est matossé, les voiles sont à bloc vers l’arrière pour pouvoir permettre au bateau de surfer parfois à plus de 20-25 nœuds, alors qu’on a 30 nœuds de vent à l’avant du front. Ce n’est pas hyper confort mais c’est à ce prix là qu’on arrivera le plus vite chez nous ! »
Petites fatigues et gros KO
L’addition s’est révélée être particulièrement douloureuse pour Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), victime dans la nuit de mardi à mercredi d’une mauvaise chute au moment où il espérait se reposer, entraînant une blessure à la tête. Mis en contact avec le médecin de la course qui l’a aidé à distance à panser sa plaie, la situation est sous contrôle pour le marin, qui n’a pas franchement levé le pied, ferraillant pour chiper la troisième place à Sam Goodchild (For The Planet).
Quelques dizaines de milles derrière, Boris Herrmann (Malizia - Seaexplorer) a été forcé de ralentir, suite à des problèmes pour faire fonctionner son moteur, précieux pour alimenter le bateau en énergie. Pour couronner le tout, il subit aussi une entrée d’eau dans son cockpit, l’obligeant à écoper régulièrement à la main, étant privé de jus pour faire fonctionner ses pompes ! Des épreuves éreintantes pour le marin allemand, qui espère malgré tout pouvoir maintenir sa 5e place.
Partout sur les visages et dans leurs mots, la fatigue se fait ressentir, après sept jours en solitaire et au moins autant de galères… condensées en seulement quelques heures, pour Samantha Davies (Initiatives Cœur) ! Dans un long message du bord, la Britannique liste la dernière série d’avaries subies – joint du vérin de J3, vérin de foil, système de descente de foil, perte de son sandwich préparé avec amour, attache du point d’amure du gennaker, balcon arraché - et confesse avoir « été KO après tout ça ». « C'est un peu frustrant, mais cette course a pour but de pousser et de tester nos bateaux pour voir où nous devons encore nous améliorer en vue du Vendée Globe, et je suis en train d'ajouter des choses à la joblist ! Je suis donc plutôt contente ! », positive la navigatrice, toujours en 9e position. « Maintenant, il faut que je me repose et que je me fasse un autre sandwich », conclut la Britannique, qui n’aura peut-être pas le temps d’ouvrir aujourd’hui son calendrier de l’avent concocté par sa coach sportive. La veille, elle s’appliquait tout de même à une minute de gainage en plein océan !
Pas sûr qu’Isabelle Joschke (MACSF) ne s’essaie à pareilles acrobaties ! « Je dois dire qu’avec mon gabarit, ce n’est pas évident. Par exemple, pour hisser le grand gennaker, cela me prend entre 40 et 45 minutes, et passer du grand au petit gennaker, 1h40, témoigne la navigatrice franco-allemande. Je suis consciente que je n’ai pas autant de force que les autres mais je m’adapte. Il faut que je sois très méthodique dans ces manœuvres afin de ne pas m’épuiser ».
Un épuisement qu’a connu aussi Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence) qui peine à trouver un sommeil reposant depuis le début de la course. Elle a même confessé quelques hallucinations dues à la fatigue. « À un moment, j’ai vraiment eu l’impression qu’on était plusieurs à bord ! On s’est bien marrés avec mes coéquipiers ! ». Si en plus, nos marins du Retour à La Base commencent à se démultiplier, Lorient aura fort à faire pour leur réserver une belle arrivée !