Jérémie Beyou (Charal), un dauphin qui ne lâche rien
Au cœur de la nuit, ce samedi 9 décembre, Jérémie Beyou (Charal) a fait son entrée dans la rade de Lorient, après avoir coupé en deuxième position la ligne d’arrivée du Retour à La Base, 5h49 après le vainqueur Yoann Richomme (Paprec Arkéa). Une performance qui sonne comme une délivrance pour le skipper lorientais, tourmenté par de nombreux problèmes techniques dès les premiers jours de course, et qui a célébré sa place de dauphin à grand renfort de feux à main. « Ce sont des bateaux qui malmènent les bonhommes mais aussi tous les systèmes et les équipements », a résumé le marin à peine débarqué au ponton.
À son arrivée en Martinique à l’issue de la Transat Jacques Vabre, Jérémie Beyou ne cachait pas sa déception. Compétiteur acharné, son résultat au pied du podium (4e) n’avait assurément pas été à la hauteur de ses espérances. Associé à Franck Cammas, le duo ne s’en était pas fait mystère : il visait la victoire et dominait le début de course, avant qu’une avarie ne les prive de leur précieux gennaker aux deux tiers de leur progression. Alors Le Retour à la Base, exutoire idéal pour rebondir, arrivait à point nommé.
Une nouvelle course, en solitaire cette fois, pour prendre sa revanche sur ce coup du sort et retrouver un état d’esprit conquérant, à un an de son cinquième Vendée Globe. Dès le départ de Fort-de-France, jeudi 30 novembre, Jérémie Beyou donne le ton, imprime sa marque, et prend les commandes de la course. C’est lui qui mène la danse en faisant cap plein Nord pour contourner l’anticyclone des Bermudes, malgré une mer agitée et des nuits à plus de 30 nœuds de vent qui obligent à un engagement de chaque instant.
« J’ai envisagé de faire demi-tour »
Mais après trois jours de course, sa progression se fait moins outrageuse, et sa domination est brusquement freinée. À nouveau, les problèmes techniques s’invitent. Le week-end dans une vidéo, il finit par lâcher l'information : « Là-haut en tête de mât, mes antennes VHF, mes anémos, mes girouettes, ma caméra Oscar, tout est parti ! » Las, le moral au fond du seau, le skipper reconnaît alors qu’il a « envisagé de faire demi-tour ».
Mais malgré sa frustration, il s’accroche, bricole…et tient bon ! Entre-temps, engagé plein Est, il a vu Yoann Richomme (Paprec Arkéa) le dépasser par le Nord. Un temps repris par Sam Goodchild (For The Planet), le skipper de Charal montre, à l’approche des Açores, que l’expérience n’est tout de même pas un vain mot, et reprend l’ascendant sur le Britannique, malgré des problèmes de J2. Une place de dauphin qu’il ne quittera plus malgré la fatigue qui le ronge. « Je ne peux plus dormir puisque je n’ai plus de pilote automatique, ça m’oblige à redoubler de vigilance », confiait-il jeudi, à trois jours de la délivrance lorientaise.
À l’image des conditions très dures durant sa dernière nuit (6 mètres de creux, plus de 30 nœuds de vent), rien n’a été facile sur cette épreuve pour le skipper de 47 ans. « Pour être honnête, j’ai failli m’arrêter aux Açores. Quand tu n’as pas de VHF, d’AIS, d’Oscar, c’est vraiment difficile », a-t-il expliqué à peine débarqué sur le ponton lorientais. Mais à l’arrivée, il y a la satisfaction d’un podium de plus sur ce bateau mis à l’eau en juin 2022. « L’idée, c’était surtout de reprendre le contact avec du solitaire et donc j’avais envie d’aller jusqu’au bout. Et j’ai bien fait ! », s'est réjoui le marin, content malgré tout de sa ténacité. « Voir que tu arrives à t’en sortir quand tu as des pépins, c’est important. Je sais que j’en aurai des pépins au Vendée Globe ! »
« C’est un super bateau de brise »
Une satisfaction d'autant plus grande pour la suite du programme que ce Retour à La Base lui a permis d'en apprendre encore davantage sur son plan Manuard. « On a vu beaucoup de choses et pas que des mauvaises : c’est un super bateau de brise. On connaissait les qualités du bateau et cette deuxième place le démontre encore », s'est enthousiasmé le skipper originaire de la baie de Morlaix. À bord de son Charal 2, c’est déjà un palmarès bien garni dont le marin basé à Lorient peut s'enorgueillir, améliorant son résultat de la Route du Rhum (3e), et complétant celui de la Guyader Bermudes 1000 Race (2e), le Défi Azimut (1e), et la Transat Jacques Vabre (4e).
En terminant deuxième de ce Retour à La Base si disputé, le Breton a de quoi s’affirmer encore un peu plus parmi les meilleurs bateaux de la flotte, et rappeler, si cela était encore nécessaire, qu’il fera partie des grands animateurs des courses à venir.
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