Vers l’Est, une nouvelle course commence
Sam Goodchild (FOR THE PLANET) prend la tête de la flotte !
Les skippers ont commencé à contourner l’anticyclone et donc à faire route vers l’Est. Ils aspirent à profiter des dépressions venues des États-Unis pour progresser et rallier le Vieux Continent. À la clé, des vitesses impressionnantes – un record de vitesse pourrait même être battu – et une sacrée bataille en perspective toute la semaine.
C’est un mouvement que la tête de course a initié ce dimanche matin vers 9 heures. Jérémie Beyou (Charal), Sam Goodchild (For The Planet) et Yoann Richomme (Paprec Arkéa), qui occupent le podium provisoire, ont été les premiers à le faire, suivi d’une grande partie de la flotte. Comme prévu depuis plusieurs jours, ils doivent désormais contourner l’anticyclone et bénéficier des dépressions venues des États-Unis. En somme, les skippers sont engagés sur cette ligne de crête pour les jours à venir.
Le record de distance parcouru en 24 heures bientôt battu ?
Un nouveau combat s’annonce donc et il est particulièrement attendu, tant la remontée vers le Nord aura été éprouvante pour les organismes et les machines. « Les deux dernières nuits ont été mauvaises pour le sommeil et douloureuses avec du vent instable et un état de mer assez mauvais », confiait ainsi Sam Goodchild (For The Planet). Il n’empêche, le Britannique fait partie du groupe de tête avec Nicolas Lunven (Holcim - PRB) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil). Derrière, à une trentaine de milles, Thomas Ruyant (For People) mène la fronde. Il domine un groupe de 16 skippers qui s’étend sur 160 milles. Parmi tous les skippers en course et surtout ceux aux avant-postes, il y a peut-être un futur recordman de vitesse.
« Entre lundi matin et mardi, il peut y avoir de très beaux runs », explique en effet Christian Dumard, le météorologue de la course. En ligne de mire ? Le record de milles parcourus en 24 heures en solitaire, établi à 536,81 milles depuis 2017 (Alex Thomson, Hugo Boss). « Il faut qu’ils parviennent à évoluer à plus de 22,36 nœuds pour battre le record », précise Jacques Caraës à la direction de course. En somme, un challenge plus que réalisable à bord de ces machines et vu le bord qui les attend. Par ailleurs, d’après Will Harris, co-skipper de Boris Herrmann lors de The Ocean Race et de la Transat Jacques Vabre, « les bateaux à l’intérieur de la courbe auront un peu moins de vent et devront empanner pour refaire du Nord ». Il dit apprécier la position de Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) et de Yoann Richomme (Paprec Arkéa).
À l’arrière de la flotte aussi, « ça va commencer à accélérer et à tourner à droite ». C’est Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement) qui l’assure, lui qui est positionné légèrement plus à Est que ses concurrents. Il s’amuse à l’idée de passer dans le Sud-Est des Bermudes – « je serai bien resté pour voir comment c’est » - et assure qu’il « ne voit plus personne, ni bateaux de transport, ni concurrent ». Sébastien Marsset (FOUSSIER – Mon Courtier Énergie) se réjouit également « d’attaquer le virage à droite, doucement mais sûrement. On a un vent beaucoup plus fort que prévu, une trentaine de nœuds au lieu des vingt nœuds annoncés donc ça file ! » Conrad Colman (Mail Boxes Etc.) évoque aussi « de vraies montagnes russes » toute la nuit : « c’était un peu la folie, ça ne correspondait pas aux prévisions du tout avec 38 nœuds de vent tout à fait inattendus… Avec les accélérations, les décélérations, le bateau vibrait, sifflait, chantait dans tous les sens. C’est comme si j’étais au premier rang d’un concert de death metal ! »
Des péripéties à tous les étages
Au sein de la flotte, tous les marins savent qu’il n’y a jamais vraiment de jour d’accalmie en course et le Retour à La Base ne déroge pas à la règle. Mention spéciale à Antoine Cornic (Human Immobilier) qui souffre de la dengue : « cela fait deux jours que je l’ai et on dit que c’est le troisième le pire ». Son équipe est en communication régulièrement avec le médecin de la course. Antoine évoque les symptômes, les courbatures, la fièvre, le fait d’essayer de manœuvrer le moins possible... « Il n’y a pas grand-chose à faire », « il faut attendre que ça passe », confie-t-il dans un court message audio envoyé dans la matinée.
Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group) a eu une frayeur technique de son côté. Dans un grain, le Belge « a dû abattre en grand dans 40 nœuds, grand-voile haute et J2 ». Il raconte la suite : « j’ai roulé, j’ai lofé, j’ai réduit, j’ai encore lofé pour passer à travers. Sinon ce grain, il m’amenait jusque chez Bob Marley ! » Pip Hare (Medallia), elle, a « découvert une fuite assez importante dans le système hydraulique de sa quille ». La Britannique a « essayé de nettoyer une marée noire : j’ai passé deux heures la tête en bas sans arriver à me concentrer sur autre chose ».
Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One) a quant à lui dû faire face à un souci de soufflet de vérin de quille qui a entraîné une petite voie d’eau, humidifiant des éléments électriques. Après avoir asséché la zone, le Japonais est parvenu à le résoudre sans difficulté. Et puis il y a des mésaventures beaucoup moins pénalisantes... Et bien plus anecdotiques. Yoann Richomme (Paprec Akréa) en a évoqué une ce matin : « à cause de la mer croisée et du vent ‘rafaleux’ cette nuit, j’ai renversé mon plat de pâtes sur mon clavier et sur mon siège… Mon repas s’est transformé en opération nettoyage ! » Quand on vous dit que rien n’est facile à bord…