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La benjamine de cette première édition du Retour à La Base a franchi la ligne d’arrivée en vingt-troisième position mercredi 13 décembre, à 00h34. La navigatrice de Devenir aura bouclé les 3 500 milles théoriques du parcours en l’espace de 12 jours 7 heures 34 minutes 55 secondes, à une vitesse moyenne de 11,83 nœuds. Avec une fraîcheur et un mental inversement proportionnels à son expérience, la navigatrice bretonne a en réalité parcouru 4 464,17 milles à une vitesse moyenne de 15,10 nœuds.

Parfois, on se dit qu’on nous ment. Que ce marin-là, qui mène crânement la flotte des bateaux à dérives sur les premiers jours de course, qui gère les galères les unes après les autres sans se départir de son sourire, qui pilote son IMOCA d’une main experte à travers la grosse houle de l’Atlantique Nord, ne peut avoir seulement 22 ans. Qu’un vieux loup de mer s’est planqué derrière ce visage encore adouci par la jeunesse, et cette petite voix fluette. Mais non. À l’âge où certains peinent encore à faire cuire des pâtes et gérer leur lessive, Violette Dorange (Devenir) vient d’achever sa première transatlantique solo en IMOCA. Et comme si ça ne suffisait pas, la benjamine du Retour à La Base en a profité pour briller, avant d’être rattrapée par les galères et montrer toute sa force de caractère.

« C’est pour moi le plus gros challenge que j’ai jamais réalisé », reconnaissait la navigatrice à quelques minutes de quitter les pontons de Fort-de-France et s’élancer sur ce qu’elle voyait déjà comme « une course d’apprentissage ». Son objectif ? « Arriver au bout tout en engrangeant de l'expérience ». Elle oublie un peu vite l’aspect performance, qu’elle ne semble pas franchement avoir mis de côté au vu de son départ plus que remarqué ! Sur la remontée au près en quittant la Martinique, elle donne des sueurs froides à ses concurrents à dérives, caracolant en tête de ce match non officiel à treize bateaux. « Je me sens bien à bord », dit-elle le plus simplement du monde pour expliquer cette réussite, sur son plan Farr de 2006 – seulement cinq ans plus jeune qu’elle, donc.

« Je vis une aventure de vie »

Au moment de prendre la direction de la maison, elle se fait dépasser par Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo For A Job), mais ne se laisse pas déstabiliser. Un départ à l’abattée ? Elle gère et voilà l’occasion de refaire un petit bord au Nord pour trouver du vent un peu plus fort et, qui sait, reprendre du terrain. Chacun des petits challenges du quotidien est relevé avec la fraîcheur de celle qui découvre tous ces rituels solitaires pour la première fois ! Seule victime collatérale : une crocs, perdue dans une de ces batailles navales !

Après six jours de course, elle est 18e au classement général, avec son rival « Pépin » dans le viseur. Mais à mi-parcours, son pilote automatique commence à lui faire quelques misères. Puis c’est au tour d’un morceau du rail de grand-voile de se carapater, et du petit gennaker de se déchirer. « Je l’ai descendu, j’ai commencé à mettre du scotch mais je me suis vite rendue compte que ça ne servait à rien, il était prêt à exploser ! », constate lucide la navigatrice. Avant de conclure : « Je vais en profiter pour me reposer car je suis fatiguée, et m’occuper de mes cheveux qui deviennent fous avec tout ce remue ménage ! »

Elle fait bien, car elle n’est pas au bout de ses peines. « Je vis une aventure de vie », s’exclame-t-elle devant un coucher de soleil, agissant avec la prudence qu’implique un tel voyage. Elle se replace au Sud pour ménager sa monture, évolue un peu moins vite et voit les concurrents remonter au classement. Comment garde-t-elle le moral ? « Je pense que c'est dans mon caractère. En fait, pour moi, il n'y a rien de pire que d'abandonner et de se dire je ne peux plus y arriver. C'est vraiment une règle que je me suis toujours fixée : toujours persévérer. Il faut essayer de trouver une solution ou un autre chemin. C’est trop facile d’arrêter. » Voilà pour la leçon de vie, c’est vrai qu’il lui restait un peu de temps entre deux louvoiements, dans la dorsale en approche des Açores !

« J’essaie de profiter »

À deux jours de l’arrivée, la navigatrice avoue « un petit coup de mou après tous les problèmes qui me sont arrivés et le fait que je sois en mode dégradé ». Enfin, on se dit qu’elle a l’impatience de son âge : « C'est décevant de me dire que j'ai fait un si beau début de course, pour au final me faire doubler par tout le monde à la fin. » Mais dans ce cas-là, c’est la sagesse et l’expérience d’un de ses pairs qui vient compenser… Bien loin derrière elle, François Guiffant (Partage) lui envoie un message : « Il m'a dit une phrase que j'essaie de garder en tête : « Faire une transat ce n'est pas anodin et c'est un beau challenge ! ». Ça m'a fait beaucoup de bien et j'essaie de profiter », écrit-elle.

Il ne lui reste « plus que » le golfe de Gascogne à traverser. Avec des rafales à 40 nœuds et des « méga vagues » de 5 mètres. « J’ai trop hâte d’arriver », dit-elle en faisant route directe vers Lorient, à 18 nœuds. Pour finir par franchir la ligne d’arrivée en 23e position, encore une fois avec le sourire. Prouvant, s’il était encore nécessaire, que Corneille avait raison quand il disait qu'« aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années. »

 ELLE A DIT :

« Je suis tellement heureuse d’avoir réussi ! C’était un challenge énorme de faire une traversée de l’atlantique en IMOCA et dans le sens pas très conventionnel, c’était un pré-Vendée Globe pour moi ! C’est chose faite donc je suis trop contente, je suis fière de moi. C’était un super entraînement, je sens de mieux en mieux mon bateau. Jusqu’au bout je n’ai rien lâché. À la fin c’était dur et même si au final j’étais un peu derrière, je me disais : cet empannage je le fais comme si j’étais devant, je donnais tout dans toutes les manoeuvres. 


J’ai fait beaucoup de départ au tas et c’est ce qui m’a valu toutes mes casses… Il faut vraiment que je travaille là-dessus. J’ai ma voile de portant qui m’a lâché aussi en plein milieu de l’Atlantique, hyper importante sur cette course. J’ai cassé un rail de charriot de GV aussi, une nuit j’ai eu un blackout complet, avec plus rien pendant 2h, puis j’ai recâblé un à un tout le deuxième circuit puis la même chose sur le premier circuit. Je ne savais pas que j’étais capable de tout ça. C’est pour ça que je suis très émue de cet accueil avec mes amis, réussir ce Retour à La Base était au conditionnel, c’était un tel défi que…. vraiment trop heureuse d’être arrivée ! »

Sa course en chiffres

Heure d’arrivée : 00 h 34 min 55 sec
Temps de course : 12 jours 7 heures 34 min 55 sec
Écart au premier : 3 jours 7 heures 31 min
Milles parcourus : 4 464,17 milles
Vitesse moyenne réelle : 15,10 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 11,83 nœuds