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Le plus lorientais des skippers suisses est de retour à la maison ! Alan Roura (Hublot) a franchi la ligne de la première édition du Retour à La Base, mardi 12 décembre à 3h38. Il conclut sa traversée en 11 jours 10 heures 38 minutes, après avoir parcouru les 3 500 milles théoriques à une vitesse moyenne de 12,73 nœuds. Pas épargné par les avaries et handicapé par la perte d’une précieuse voile d’avant, le skipper s’est démené pour tirer le meilleur de sa complexe monture jaune et noire, parcourant en réalité 4 358,7 milles à une vitesse moyenne de 15,87 nœuds.

À quelle énergie carburent-ils, ces marins qui passent leur année à sillonner les océans, et enchaînent les transatlantiques comme on va relever sa boîte à lettres ? Dans le cas d’Alan Roura (Hublot), on commence à le savoir : à l’insatiable et hautement transmissible joie de vivre ! Celle qui pousse le marin suisse, même dans le pire des fronts, quand le vent affole la girouette et les vagues martyrisent son cockpit, à voir toujours le verre à moitié plein. « Le jour se lève par ici et si j’arrive à prendre un café sans le renverser en entier, ce sera déjà une petite victoire ! », écrit-il ainsi au milieu de l’Atlantique Nord. Et de « petite victoire », il en est une autre avec cette 15e place arrachée au bout de l’effort sur ce Retour à La Base, sa meilleure performance depuis sa 7e place sur la Vendée Arctique en 2022 et son deuxième meilleur classement sur une transatlantique en solitaire en IMOCA après la Route du Rhum 2018 (7e). 

Avant d’en prendre le départ, il se disait « sans pression », seulement « content de refaire du solo, de mettre en œuvre concrètement tout ce qu’on a vu en double ». Si les premières heures de course sont dures pour le skipper de Hublot, qui peine à trouver sa trajectoire, ses habitudes de solitaire reviennent progressivement, lui qui a déjà deux Vendée Globe au compteur malgré ses 30 ans seulement. En deux jours, il gagne dix places et redevient confiant à bord de son foiler toujours si exigeant.

La suite est au portant dans du vent fort, et ce n’est pas pour déplaire à ce binôme ! « C’est tout ce que j’aime, l’ambiance à bord est top, je me supporte encore, j’arrive à garder mon calme quand le bateau galère ou quand je galère à le faire avancer. Je cherche, je teste… Bref, on s’entend bien tous les deux », écrit-il, accrochant alors la seizième place au classement. Quand le bateau avance, le skipper peut même en profiter pour se reposer et inventer un « nouveau dicton de marin : quand ton bras sent la bave, c’est que ton sommeil a été réparateur ! » 

« On n’a jamais vécu de saisons aussi intenses ! » 

Mais les fronts s’enchaînent, et les conditions sont dantesques. Avec à la clé, une première « nuit de l’enfer » après la trahison de son pilote automatique, qui le lâche au pire moment. Et provoque un départ à l’abattée, qui déchire le petit gennaker… « Alors je roule la voile, je me pose dans le siège et les larmes montent vite aux yeux. C’était LA voile pour cette course. C’est comme partir aux 24 Heures du Mans avec des pneus de 4x4 », écrit le marin dépité. Avant de remettre une autre voile sur le bout-dehors et repartir au combat ! 

Mais handicapé par la perte de cette arme précieuse, le skipper de Hublot est forcément ralenti. Il fait le dos rond dans 30 nœuds de vent à l’approche des Açores, dans une descente aux allures de piste noire, où il en oublie de compter ses heures « avec l’éponge et la pompe de cale » à cause des entrées d’eau.

La fatigue se fait forcément sentir  après cette saison qui « commence à être longue, on n’en a jamais vécu d’aussi intenses ». Et s’il confesse rêver déjà « d’un bon bain et d’un petit coup de rouge au coin du feu », il n’en oublie pas son objectif : le Top 15. « J’ai tout donné et malgré la fatigue de la transat aller, pour le marin et le bateau, je vais continuer, jusqu’au bout », promet-il dans le golfe de Gascogne après 24 heures sans sommeil. Promesse tenue donc, avec cette 15e place qui sonne comme une délivrance, et une juste récompense à celui qui continue, course après course, de tant (se) donner. 

IL A DIT :

« J’étais en short jusqu’à ce matin, je me suis mis en salopette juste pour les photos ! Ça s’est bien passé parce que l’objectif en partant, c’était de finir dans le ‘Top 15’. Il y a eu de supers phases, des phases un peu moins bonnes, des soucis techniques… C’était une transat hyper intéressante pour voir la technique sur le bateau. Il est très difficile en mer, il plante beaucoup donc il y a beaucoup d’eau qui rentre à bord. Et puis j’ai perdu mon petit gennaker, - c’était la voile de la course donc c’est un peu dommage - et j’ai eu des soucis de pilote automatique aussi… Mais je suis content d’être là avec mon bateau, on s’est bien entendu même si ça fait trois jours que je n’ai pas dormi ! Ce matin, en longeant la côte espagnole, j’ai pris un grain qui sort de nulle part et le bateau est resté couché… C’était un truc de dingue, à 35 – 40 nœuds ! Les mers du Sud, ce sont des vacances à côté ! Là, il va falloir qu’on installe un vrai jeu de voiles, réglé pour le bateau, et qu’on fasse un gros travail cet hiver. Mais même s’il enfourne beaucoup, c’est un super bateau !

Ce qui prime là, c’est le soulagement. C’était une course très engagée après une saison très complète. Il y a eu peu de repos entre la Transat Jacques Vabre et le départ et des conditions difficiles surtout. Je suis vraiment content d’être arrivé. Je me sens vraiment fatigué parce que j’ai tout donné. Ça donne envie de se reposer, de prendre soin de moi et de savoir le bateau entre de bonnes mains. Il a fait le job ! Les trois derniers jours de course étaient presque de trop… J’avais fait plusieurs fois la transat retour et ce n’est pas le même rythme. L’an dernier, je l’avais fait en faux solo et on avait rencontré les mêmes conditions. C’est un bon apprentissage pour l’usure du marin et du bateau. C’est une super transat techniquement parce que ça t’offre une vision globale de tout ce qui peut se passer à bord du bateau, une certaine idée de la fatigue à bord et les points à améliorer, à valider et c’est top ! Le bateau va sortir de l’eau, passer l’hiver au chaud avec des optimisations qu’on fera bientôt. Moi je vais prendre un hiver tranquille et profiter de ma famille sans parler de bateau ! »

Sa course en chiffres

Heure d’arrivée : 03 h 38 min 59 sec
Temps de course : 11 jours 10 heures 38 min 59 sec
Milles parcourus : 4 358,70 milles
Vitesse moyenne réelle : 12,73 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 15,87 nœuds