Le retour en solitaire, pour le meilleur et pour le pire !
Après une saison 2023 consacrée uniquement au double pour les marins de la Classe IMOCA, le challenge du retour en « solo » s’annonce particulièrement relevé… pour les « bizuths » de l’exercice bien sûr, mais aussi pour les plus expérimentés !
On peut être double vainqueur de la Solitaire du Figaro ou de la Route du Rhum et s’apprêter pourtant à vivre une nouvelle « première fois » en prenant le départ du Retour à La Base ! En quittant les pontons de Fort-de-France, jeudi 30 novembre, Yoann Richomme fera en effet ses grands débuts en solitaire sur un 60 pieds, avec, devant l’étrave de son IMOCA Paprec Arkéa mis à l’eau en début d’année, quelque 3 500 milles nautiques pour se faire la main !
Et il y aura forcément un peu de rodage… Comment décrire la gestion en solitaire sur ce genre de bolide de course ? « Imaginez une nuit agitée dans un hamac suspendu au sommet d'un gratte-ciel en pleine tempête ! », résume avec malice le skipper breton, qui vient de boucler la Transat Jacques Vabre en deuxième position avec son co-skipper, Yann Eliès. « Plus sérieusement, le solitaire, c’est une immersion totale dans l'action, une danse avec la fatigue, le stress et les décisions rapides, souligne Yoann Richomme. À de telles vitesses, c'est une symphonie d'adrénaline et d'endurance, une navigation intense qui te maintient sur tes gardes à chaque instant. C'est la voile à son état brut, une expérience de solitude et de puissance, le challenge ultime. »
Le programme de la quinzaine s’annonce donc particulièrement copieux pour les marins, et pas que pour les « bizuths » du solitaire !
« Je me demande si je me rappelle comment faire »
Car la saison 2023 a en effet été exclusivement dédiée à la navigation en double dans les teams IMOCA et les derniers bords en solitaire remontent parfois à loin. « J’ai fait la Route du Rhum l’an passé sur mon bateau, mais j’étais très loin d’être à 100 %. Mon dernier Vendée Globe, j’ai cassé trop tôt... J’ai donc l’impression que ça fait super longtemps que je n’ai pas fait de solo et je me demande si je me rappelle comment faire », a ainsi commenté Samantha Davies lors de la conférence de presse du Retour à La Base. Avant de se fixer un objectif sportif, la navigatrice d’Initiatives Cœur a donc surtout pour ambition sur cette course de « retrouver des automatismes, du plaisir et de la confiance en solitaire ! »
Même son de cloche du côté de Clarisse Crémer dont ce sera la première expérience en solitaire depuis son tour du monde en 2020 ! Une reprise que la navigatrice de L’Occitane en Provence attend de pied ferme, entre légère appréhension et grande impatience : « Je ne me sens jamais aussi solide que quand je suis seule. Je ne sais pas pourquoi, il y a un truc qui se passe dans ma tête qui fait que je m’arrache plus. Et c’est un sentiment qui donne plus de confiance en soi, même s’il y a forcément des moments difficiles. C’est aussi en solitaire que j’ai découvert la voile en course, je pense que ça m’a structurée et c’est pour ça que le solo c’est vraiment ma base à moi. »
« C’est comme dans la vie, tout est plus simple à deux »
Car passer du double au simple n’est pas qu’une opération comptable qui réduirait de moitié l’avitaillement du bord ! « On dit souvent qu’à deux c’est deux fois plus facile, mais c’est en réalité DIX fois plus facile, explique ainsi Romain Attanasio, skipper de l’IMOCA Fortinet - Best Western. Matosser une voile de l’avant à l’arrière, ça prend une minute à deux lorsque ça en prend dix tout seul. C’est comme dans la vie, tout est plus simple à deux : on se réconforte, on se soutient, on s’entraide. Tout seul, tu passes ton temps à douter, à te demander si tu as fait le bon choix. La transition entre double et solitaire ne sera vraiment pas évidente. »
Alors, tous se posent forcément des questions sur leur préparation, la mise en configuration du bateau, leur capacité à retrouver vite leurs repères… « Est-ce que c’est comme le vélo ou est-ce qu’il faut remettre des petites roues ? », s’interrogeait ainsi à la conférence de presse du Retour à La Base Benjamin Ferré. Ce n’est pas Violette Dorange qui le contredira, elle dont la dernière traversée d’océan en solitaire remonte… à la Mini-Transat en 2019, avec 12 mètres de moins de monture donc !
Heureusement que tous restent quand même des solitaires dans l’âme avec pour objectif le Graal du Vendée Globe en ligne de mire. Et Jean Le Cam, encore en mer pour rallier la Martinique à bord de son Tout commence en Finistère - Armor Lux flambant neuf, est assurément du genre à couper court à toutes les cogitations ! « Pour moi, ça n’a pas vraiment d’importance, explique le quintuple concurrent du Vendée Globe. Que ce soit en solitaire, en double ou en équipage, je prends toujours le même plaisir. » C’est tout le mal qu’on souhaite à nos concurrents !