Message d'Alan Roura - Hublot : Jour 11
Tapas ce soir en Espagne ? Et Kouign-amann à la maison demain soir ? Ça sent presque la terre, ça sent la brafougne au cap Finisterre. Derrière, c'est revenu très fort les dernières 48 heures, j’ai donné ce que j’avais à donner, le Code 0 ce n’est pas fameux dans ces conditions-là.
J’ai une mer croisée, le bateau s’arrête à 10 nœuds et se lance à 30, gros coup de gîte, je continue de planter à en sortir les safrans de l’eau. Ma moyenne n’est pas terrible, mais je ne vais pas me morfondre, je n’ai plus la bonne voile et puis voilà. Maintenant j’essaye de la jouer stratégie pour rester devant.
Je me suis mis dans le rouge total jusqu’au milieu de nuit à rouler et dérouler les voiles d’avant, à essayer de trouver le truc qui va bien. Après je me suis dit « Il faut dormir mon garçon, là tu commences à ne pas prendre le bon bout dans la main et ça fait 24 heures que tu n’as pas fermé l’œil ». Rien ne va à la perfection alors je travaille mon positionnement pour contrôler Cali et Conrad. J’ai tout dessus : Code 0/J2/J3 et GV. C’est en mode poney club à bord !
Je navigue assez bas, mais pas trop, car le mode haut rapide n’est pas tenable, ça part tout le temps au tas. Et si je vais trop bas, je suis à deux doigts du départ à l’abattée ! Ça se joue à 3 degrés de réglage pilote. La barre ? Ce n’est même pas la peine de la toucher sauf si tu veux finir avec le bateau en vrac
La dernière belle complication qui s’annonce est le passage entre le DST du cap Finisterre et la côte, avec sûrement 40 nœuds et une série d’empannages. Passer à l’extérieur, ce serait perdre pas loin de 20 miles sur la route et vue ma situation : plus courte sera la route, plus de chance j’aurai de conserver ma place.
Comme à chaque fin de course, la pression monte, mais il faut rester lucide… Car vraiment, je n’ai pas envie de perdre de place ! Hier je commençais à crier dans mon cockpit, à taper contre les cloisons. Il va falloir tenir encore une trentaine d’heures comme ça, à espérer que ça ne passe pas pour ceux de derrière et que ça passe pour moi. Enfermé tel un astronaute dans ma capsule, les écoutes à la main, je repense à ces 10 jours depuis le départ de la course, où je suis parvenu à remonter avec acharnement et l’envie de bien faire petit à petit, avec une seule chose en tête, le Top 15. J’ai tout donné et malgré la fatigue de la transat aller, pour le marin et le bateau, je vais continuer, jusqu’au bout.