Sam Goodchild, de bronze et de talent... même en solo !
Il a surgi dans la nuit lorientaise, tranquille et heureux. A la barre de For The Planet, dont il a pris les rênes en avril seulement, il s’arroge avec l’art et la manière son sixième podium de la saison 2023… et le premier en solitaire ! Une performance d’exception, chaleureusement saluée par le public, son équipe et ses proches, qui lui vaut au passage de remporter le classement annuel IMOCA Globe Series.
Rien n’est simple et pourtant, avec lui, tout le paraît. Sans jamais se départir de son sang-froid et de sa joie sincère d’être en mer, Sam Goodchild vient, à nouveau, de frapper un grand coup dans le petit monde de la course au large. En finissant troisième du Retour à La Base, le navigateur britannique de 34 ans s’offre un grand chelem de podiums sur la saison 2023, et remporte haut-la-main le championnat IMOCA Globe Series 2023. Pas mal pour un « bizuth » du monocoque de 60 pieds, qui aura donc démontré en moins d’un an son talent et sa régularité, que ce soit en équipage, en double ou en solo !
Départ "sans pression"
Sur les pontons de Fort-de-France, à quelques minutes de larguer les amarres, il s’avouait lui-même « surpris d’être aussi détendu ». Après une saison 2023 marquée par cinq podiums, dont une belle troisième place sur la Transat Jacques Vabre en double avec l’architecte Antoine Koch, le Retour à La Base était un peu « la cerise sur le bateau ». « J’y vais sans pression car on a déjà eu une super année, je veux juste découvrir et apprendre encore », expliquait le marin, qui a fêté ses 34 ans en Martinique. Et pour cause : cette transatlantique retour était l’occasion d’un tout premier tête-à-tête avec son bateau, For The Planet, qu’il n’avait, depuis sa prise de barre en avril, jamais eu l’occasion de naviguer en solo.
Certes, la monture n’en est, elle, pas à sa première traversée ! Ancien bateau de son désormais binôme d’écurie Thomas Ruyant, qui l’a mené tambour battant sous les couleurs de LinkedOut, ce plan Verdier 2019 a un palmarès déjà aussi long qu’une traversée dans les dépressions de l’Atlantique Nord… Et préparé, qui plus est, par la Rolls Royce des équipes à terre, TR Racing, vivier de talents et d’adaptabilité ! Mais encore faut-il se montrer à la hauteur de son potentiel, surtout en solitaire…
À peine le signal lancé dans la magnifique baie de Fort-de-France, Sam Goodchild prenait le meilleur départ, montrant qu’il n’était décidément pas là pour faire de la figuration. Il est aussi le premier à tricoter entre la Martinique et la zone de DCP (dispositif de concentration de poissons), interdite de navigation par la Direction de course, et fait vite sa place dans la tête de flotte – il sera, au pire, en 8e position !
Dans le contournement de l’anticyclone des Bermudes, la fenêtre de tir se présente pour la fusée Goodchild. Le Britannique augmente le rythme et allonge spectaculairement sa foulée, transperçant alors ses concurrents directs, dont Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) et Nicolas Lunven (Holcim-PRB). Il entre alors dans le trio de tête, qu’il ne quittera plus jusqu’à l’arrivée à Lorient !
« Je n'ai aucun regret »
Pourtant, qu’il est long à traverser cet Atlantique, qui plus est quand il est pris à rebrousse-poil, en plein mois de décembre… Surtout après une année aussi chargée ! Mais chaque jour, Sam Goodchild impressionne par sa constance. Il va vite, tout le temps. Tout en prenant soin de son bateau, qui ne connaîtra que quelques problèmes techniques mineurs, l’obligeant sur les derniers jours à mettre un peu les mains dans le Sika - photo de ses bras joliment noircis à l’appui…
À mi-parcours, il voit bien Yoann Richomme (Paprec Arkéa) repartir dans le Nord pour toucher plus de pression. « Il a fait un bon choix. C’est facile de le dire après coup, mais je n'ai aucun regret de ne pas l'avoir suivi à ce moment-là, analyse lucide et pourtant toujours encore en course, Sam Goodchild. Les risques étaient grands, et je ne voulais pas miser autant. Mon choix a été de rester avec la majorité de la flotte et de le laisser s'échapper. Il est récompensé pour cela, alors félicitations à lui. »
Le leader ayant fait le break avant le passage des Açores, pas question pour autant de baisser d’intensité, et de rester à l’affût d’une opportunité. Si l’expérimenté Jérémie Beyou (Charal) reprend l’avantage à 700 milles de l’archipel, Sam Goodchild lui imposera, jusqu’aux dernières heures de course, un pressing de tous les instants. "Je pense qu'il était heureux que je le pousse à 20 miles derrière, j'ai accéléré, il a accéléré....il jouait avec moi, il me faisait sentir que j'avais une chance !", s'est amusé Sam Goodchild à son arrivée sur les pontons. Au final, il sera d’ailleurs le seul à tenir le rythme effréné de son aîné, finissant seulement 1h49 derrière lui, rompant clairement avec le reste du peloton, relégué à plus de 200 milles derrière…
La performance sportive parle d’elle-même, mais elle s’accompagne, en outre, d’un bonheur d’être en mer hautement transmissible. Dans chaque message du bord, le Britannique partage son plaisir, même s’il reconnaît tout de même un peu de fatigue parfois, et n’est jamais le dernier à s’extasier devant un coucher de soleil. « La planète est beau », lance-t-il dans un français presque parfait, face à la caméra, alors que l’horizon dans le sillage de son bateau menthe à l’eau se pare de mille nuances de rose et de violet…
Victoire pour TR Racing
« Je suis heureux d'être ici, heureux que ce soit terminé. Cela a été neuf jours très, très intenses. Je ne pense pas qu'il y ait eu un seul moment de répit sur le pont, ce sont des bateaux techniquement difficiles à faire avancer, et il faut essayer de trouver le bon équilibre. Ils ont beaucoup plus de puissance que ce que nous pouvons gérer, c'est tellement difficile de savoir où mettre les gaz, où mettre le curseur", a expliqué le navigateur à l'arrivée, confessant au passage avoir eu "du mal à dormir et du mal à manger, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant. »
Cette troisième place est aussi une belle réussite pour toute l’équipe TR Racing, que le Britannique a intégré en avril aux côtés de Thomas Ruyant (For People). Toute la saison, les deux marins ont navigué de concert, permettant ainsi à chacun d’accélérer la prise en mains de leur monture, et de pousser toujours plus loin la quête de la performance. Sur cette édition du Retour à La Base, l’élève aura même dépassé le maître, après les avaries majeures rencontrées par le Nordiste à mi-parcours (système de safran, déchirure de grand-voile la rendant inutilisable). Loyal, Sam Goodchild aura tout de même laissé à son partenaire le record de la plus grande distance en solitaire parcourue sur un monocoque (539,94 milles), se classant toutefois juste derrière au classement (523,38 milles) ! Une nouvelle preuve que ce binôme de travail a décidément de l’avenir…
Au final, c’est dans la froide nuit lorientaise que Sam Goodchild est venu cueillir cette nouvelle médaille couleur bronze, la cinquième consécutive. Discrètement, joyeusement. « Je suis content de cette troisième place, elle me donne confiance en moi. Je crois que j'ai trop navigué cette année mais c’était vraiment une année importante, de ma première course IMOCA en janvier jusqu'à aujourd'hui », a-t-il conclu. Une magnifique prouesse, qui laisse à penser que Sam Goodchild ne se contentera pas éternellement de la troisième place… et pourquoi pas dès l’an prochain sur le Vendée Globe ?
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