Yoann Richomme, coulisses d’une victoire
Une arrivée au soleil couchant, des dizaines de zodiacs et puis une foule nombreuse, joyeuse, amassée de la citadelle de Port-Louis jusqu’aux pontons de Lorient La Base... Yoann Richomme s’est offert une arrivée impériale, ce samedi 9 décembre au soir, à la hauteur de sa victoire et de son exploit. Moins d’un an après la mise à l’eau de son nouvel IMOCA Paprec Arkéa, le voilà déjà lauréat d’une course en solitaire de l’un des calendriers les plus relevés de la course au large. De retour à la maison, le Lorientais d’adoption avait de quoi exulter et savourer.
Il est donc possible de mettre à l’eau un bateau en février, de ne jamais avoir navigué en solitaire à son bord, de disputer une transatlantique et de l’emporter. C’est le tour de force que Yoann Richomme a achevé d’accomplir ce samedi après-midi à Lorient, en remportant la première édition du Retour à La Base. Celui qui a déjà remporté par deux fois la Route du Rhum en Class40 (2018, 2022) et la Solitaire du Figaro (2016,2019) semble repousser encore un peu plus le champ des possibles. Rembobiner donne en effet le tournis. En février dernier, Paprec Arkéa, sistership de l’IMOCA For People de Thomas Ruyant, est mis à l’eau. Neuf mois plus tard, après trois épreuves d’entraînements où il aura marqué tant par son look futuriste que par ses vitesses, le 60 pieds s’élance sur la Transat Jacques Vabre pour une première transatlantique, en double celle-ci, l’expérimenté Yann Eliès au sein de l’équipage. À la clé une magnifique 2e place et un premier exploit, déjà. Mais dans l’équipe de Paprec Arkéa, l’objectif réside un peu plus loin, à l’issue du Retour à La Base, première course en solitaire pour son skipper Yoann Richomme et premier grand test avant le Vendée Globe tant convoité.
Une option audacieuse
Car pour prétendre prendre le départ du prochain “Everest des mers” à bord d’un bateau mis à l’eau cette année, prendre le départ de cette nouvelle course entre la Martinique et la Bretagne était une nécessité. Une première étape pour assurer sa première partie de qualification à la mythique épreuve et valider ainsi sa sélection automatique sur la ligne de départ. Mais bien plus qu’un simple droit de passage, l’unique course en solo de la saison présentait aussi l’avantage pour le nouveau venu dans la Classe IMOCA d’acquérir automatismes et savoir-faire en solitaire, avant de disputer une longue et riche saison 2024, avec deux transatlantiques et un tour du monde au programme…
Pas de quoi effrayer le marin de fraîchement 40 ans qui - et cela ferait presque sourire - jamais ne s’était retrouvé seul à bord de Paprec Arkéa avant le départ du Retour à La Base. Habitué des projets menés tambour battant, entre budgets parfois étriqués et bateaux prestement mis à l’eau, mais toujours animé d’une volonté aussi inépuisable que son talent, Yoann Richomme semble d’ailleurs ne pas connaître la peur. Inébranlable, il célébrait en effet une première victoire avant même le départ, en s’alignant sur la ligne à la barre de son bateau, bien blessé à l’issue de la Transat Jacques Vabre, mais remis d’attaque par son équipe technique après 10 jours de labeur en Martinique. Une prouesse qui en appelait une autre, à l’heure où c’était au skipper d’entrer en piste.
Dès les premières heures de course, Yoann ne se ménage pas, tricote dans le Sud de la Martinique et parvient à bien se positionner au moment de pointer l’étrave vers le Nord. Dans le Top 5 et ça tombe bien : c’est l’objectif qu’il s’était fixé avant de s’élancer. Mais le grand brun ne se refuse rien et encore moins d’y croire. Au moment de contourner l’anticyclone pour attraper les dépressions venues de la côte Est américaine, il décide de filer un peu plus au Nord encore et s’empare de la tête de la course, le 4 décembre dernier, pour ne plus la quitter. C’est au Nord, toujours, qu’il décide de se décaler pour faire cap à l’Est, direction les Açores, où il replongera, devant ses concurrents, avant de filer tout droit, à pleine vitesse vers Lorient, vers la maison, où la victoire lui tendait déjà les bras. “Ça s’est essentiellement joué sur ce décalage tactique, explique-t-il à l’arrivée. On a un bateau qui est dessiné pour aller dans la brise, dans plus de mer que les autres. J’ai peut-être une facilité à mettre le curseur un peu plus haut.”
Pourtant, rien ne fut facile et nul ne fut épargné par les petites et grosses galères. La gestion du sommeil pour commencer, problématique une grande partie de la course : « J’ai du mal à dormir… J’essaie de m’allonger pour récupérer avec ou sans podcast, Peut-être que je dors par moment mais je ne m’en rends pas compte ». Et des problèmes de foils sur lesquels il ne s’est pour le moment pas éternisé. Il n’empêche, Yoann aura tenu son rang, jusqu’au bout, et s’offre sa première victoire de prestige en IMOCA, sa troisième sur une course transatlantique en solo. Surtout, Yoann prend déjà rendez-vous pour la saison prochaine. Une année complètement folle - The Transat CIC, New York-Vendée, Vendée Globe – où il compte bien s’insérer une nouvelle fois aux avant-postes et un peu plus si affinités. Une certitude : il y aura un avant et un après Retour à La Base et Yoann Richomme fait désormais définitivement partie de ceux sur qui il faudra compter.