RLB23 Finish Monnoyeur 1212JLC2038

Au tour de Benjamin Ferré de franchir la ligne d’arrivée du Retour à La Base ce mardi 12 décembre à 00h34. Le skipper de Monnoyeur – Duo For a Job a bouclé le parcours en 11 jours 07 heures 34 min après avoir parcouru 4366,06 milles à une vitesse moyenne de 16,08 nœuds. En prime, le marin de 33 ans s’offre le titre - honorifique certes, mais ô combien disputé - de premier bateau à dérives à boucler cette transatlantique retour en solitaire. La preuve que « Pépin », comme il s’est lui-même surnommé, en a encore profité pour prendre de la graine ! 

À l’aller, on pouvait se dire qu’il avait bénéficié des faveurs de l’océan. Au retour, force est de constater qu’il s’agit bien de talent ! Après l’avoir emporté sur ses rivaux à dérives pendant la Transat Jacques Vabre, Benjamin Ferré arrive à nouveau en tête de ce « match dans le match » des bateaux d’ancienne génération, dépourvus de foils. Une performance construite au fil des jours, à grands coups de cravache pour faire avancer sa monture et compenser les petits aléas du large, vite relativisés par un mental à l’épreuve des balles !  « J’essaie toujours de me rappeler la chance que j’ai d’être au départ d’une course pareille », expliquait l’enthousiaste à quelques jours du départ, lui qui “reste dans un objectif de performance, tout en racontant des histoires humaines ». 

Et Benjamin n’a pas son pareil, justement, pour raconter des histoires et embarquer avec lui le commun des terriens, qui cherche toujours à comprendre à quoi ce drôle d’engin carbure ! Aux galettes bretonnes d’abord, sur les premiers jours qui lui font quitter la Martinique au près dans des conditions déjà bien engagées. « Je fonce à toute berzingue au goût salé de la complète bretonne œuf fromage », écrit-il un matin, alors qu’il est vissé aux trousses de sa concurrente à dérives, Violette Dorange (Devenir), rebaptisée « mademoiselle Sundae caramel ». Après le contournement de l’anticyclone, Pépin parvient enfin à dépasser la benjamine de la course, et grappille des places sur la traversée !

“Mes yeux s’humidifient du pur bonheur d’être là »

Lui qui avait peur de « devoir remettre des petites roues sur son bateau » après huit mois sans solo a pu vite se rassurer sur sa capacité à mener la danse ! C’est d’ailleurs en twistant au rythme de Ray Charles qu’il avance, même si les conditions fortes rencontrées dans les fronts le font s’exclamer : « Là je vais te dire mon petit bonhomme, on fait pas le mariole ! » Mais il n’en n’est pas moins reconnaissant d’être à bord de son bateau nommé Théophile, hommage à l’un de ses anges gardiens qui décidément veille au grain : « Je redécouvre, lors d’un coucher de soleil, d’un lever de lune, ces instants où, sans raison, mes yeux s’humidifient du pur bonheur d’être là où je dois être ».

Mais il fallait bien quelques pépins, pour ce Benjamin ! Le 6 décembre, il est 15e au classement quand les tracas commencent. D’abord, une petite fuite qui remplit d’eau son bateau, puis surtout, le code 0 de 210 m2 qui s’envole en drapeau. « L’amure a explosé et la galette a tout emporté sur son chemin ». Il craint « de tout casser » et s’emploie, malgré les 30 nœuds du moment, à réparer les dégâts… sans franchement ralentir le pas !  

Au passage des Açores, « c’est la guerre à bord » , mais ça n’empêche pas le marin de 33 ans de tenir la dragée haute à certains foilers ! Constant dans son effort, même quand il s’agit à nouveau de réparer un gennaker à deux jours de l’arrivée, Benjamin Ferré ne baisse pas la garde, et continue même de délivrer quelques jolis coups. En approche du Cap Finisterre, il confesse  « avoir dormi neuf heures sur la journée, et regardé un film sur le plancton » , mais derrière ses airs d’éternel ado, le bon élève a bien révisé ses cours de Bernot, « le king de la météo ». « J’ai hâte d’arriver, et d’un autre côté j’ai pas envie que ça s’arrête », écrit-il avant de mettre le cap sur Lorient. Tant mieux pour celui qui avait vu Le Retour à La Base comme un entraînement pour son plus grand pari : le Vendée Globe est prévu durer un peu plus longtemps. Et le skipper de Monnoyeur - Duo For A Job a de nouveau montré qu’il avait tous les atouts pour y faire un très bon coup !

 

IL A DIT :

« C’est vraiment cool d’être le premier bateau à dérives ! Et une 13e place en plus, comme à l’aller ! C’était marrant parce que j’étais parti en mode convoyage, on ramène tranquillement le bateau. Mais dès le passage de la ligne, c’est parti fort, c’était intense ! Aller à la vitesse d’un foiler avec un bateau qui n’a pas de foil, ça oblige à ne rien lâcher et à être dessus tout le temps. Du coup, je n’ai pas beaucoup dormi ! Il y a une journée, hormis les 3 à 4 bateaux qui étaient devant, où j’ai longtemps été le bateau le plus rapide de la flotte. Jusqu’à la nuit de l’enfer, le 10 décembre 2023, tout s’est super bien passé. Avant, je n’avais fait que du solitaire et de revenir au solo avec les enseignements que j’avais eu avec Pierre (Le Roy) en météo, en stratégie, en choix de voile, c’était génial. J’ai vraiment gagné en confiance. J’ai eu tellement de problèmes : ce sera précieux pour le Vendée Globe, d’autant que je ne savais pas que je pouvais tous les résoudre ! Les épissures, changer l’amure… J’ai attendu trente ans avant de traverser l’Atlantique et là, je viens de le faire cinq fois en trois ans ! En tout cas, cette 13e place clôture bien l’année ! »

Sa course en chiffre

Heure d’arrivée : 00 h 34 min 42 sec

Temps de course : 11 jours 7 heures 34 min 42 sec

Milles parcourus : 4 366,06 milles

Vitesse moyenne réelle : 16,08 nœuds

Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 12,88 nœuds