De la combativité jusqu’à la ligne d’arrivée !
Quelle est grande la tentation de relâcher l’attention après cette dizaine de jours sous pression, quand, enfin, on se rapproche de la maison… Jusqu’aux derniers milles pourtant, les marins du Retour à La Base doivent rester vigilants, dans des conditions musclées où les risques sont omniprésents. Un seul mot d’ordre : ne jamais baisser la garde.
Dans la douleur, mais aussi dans la pugnacité. C’est ainsi que s’est achevé le Retour à La Base de Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), victime d’un démâtage mardi 12 décembre au matin, à dix milles seulement de la ligne d’arrivée. Pas le temps de s’apitoyer, il faut réagir vite : en moins de deux heures, voilà le skipper vendéen, déjà victime d’une commotion cérébrale et de problèmes d’énergie au large des Açores, qui improvise un gréement de fortune pour pouvoir franchir la ligne sans mettre en marche son moteur.
A l’arrivée, c’est une 19e place à la saveur si particulière. Celle amère, bien sûr, de ramener son joli bateau, complice d’un début de course d’exception, si lourdement blessé. Mais celle un peu plus douce aussi d’avoir réussi à aller puiser au bout de lui-même, que ce soit pour se recoudre le crâne à grands coups d’agrafes ou pour achever ce douloureux chapitre dans les règles de l’art, sans assistance. « Je m’en souviendrai de cette quinzième transat ! Je pense que j’ai encore prouvé qu’il n’y a pas grand-chose qui peut m’arrêter… », a résumé le skipper à son arrivée au ponton.
La ténacité de Tanguy Le Turquais (Lazare)
Il en est un autre qui a achevé son combat, et n’a rien lâché du début à la fin de cette aventure iodée. Il faut dire qu’il avait rejoint la fête un peu en retard ! Tanguy Le Turquais (Lazare) victime d’un choc avec un OFNI au début de la Transat Jacques Vabre, avait réussi à rallier la Martinique… quelques heures après que ses camarades de jeu l’aient quittée ! Il en fallait plus pour arrêter cet éternel optimiste au dynamisme sans pareil… Dix heures après son arrivée, le Lorientais quittait à nouveau le quai de Fort-de-France, vendredi 1er décembre, pour s’élancer dans la course-poursuite de sa vie. Et avec quelle réussite !
La météo lui est favorable sur le début de parcours, et dès le 6 décembre, le voilà à croiser devant le Chinois Jingkun Xu (Singchain Team Haikou). C’est le premier d’une longue série pour ce marin dont l’appétit du large semble sans fin ! Au passage des Açores, il est déjà 26e, et deux jours plus tard au Cap Finisterre 22e. S’ouvre alors une lutte acharnée avec Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement), touché par une casse de bas hauban, et Sébastien Marsset (Foussier – Mon Courtier Energie) privé de plusieurs voiles d’avant. Le golfe de Gascogne sourit à l’audacieux, et le skipper de Lazare, dont le flanc a été égayé d’un joli « Résilience » peint à la va-vite mais qui résume si bien son aventure, franchit en 20e position la ligne d’arrivée de ce Retour à La Base qu’il n’est pas prêt d’oublier.
« J’ai l’impression d’avoir fait 12 transatlantiques en une ! »
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », dit l’adage, qui ne s’applique certainement pas à ce Retour à La Base. Passés par toutes les émotions et les grands frissons de cet Atlantique Nord en plein mois de décembre, tous les marins qui arrivent au port, peu importe leur place, peuvent avoir ce sentiment de « petite victoire » que décrivait le marin suisse Alan Roura (Hublot), 15e à l’arrivée.
C’est bien sûr celui ressenti par Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) arrivée dans la nuit de lundi, physiquement très éprouvée par cette première course en solitaire depuis son Vendée Globe de 2020. « J’ai l’impression d’avoir fait 12 transatlantiques en une ! », confiait éreintée la navigatrice, qui est allée « puiser très loin dans ses ressources ».
Il en aura aussi fallu de la combativité à Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo For A Job) pour parvenir à cette 13e place, et à remporter surtout le « match dans le match », finissant premier des bateaux à dérives ! « J’ai eu tellement de problèmes : ce sera précieux pour le Vendée Globe, d’autant que je ne savais pas que je pouvais tous les résoudre », s’étonnait non sans malice le marin de 33 ans, qui n’avait encore jamais traversé l’Atlantique voilà trois ans… Ou encore cet intrépide Conrad Colman (Mail Boxes Etc., 14e, 2e des bateaux à derives), dont la course pourrait se résumer par ces quelques mots : « même quand tout va mal, on peut faire bien »… Voilà le Néo-Zélandais qui finit devant Thomas Ruyant (For People), qui aura réussi l’exploit de signer tout à la fois un record de distance sur 24 heures en monocoque, mais aussi un long périple de six jours… sans grand-voile !
Et que dire de tous ceux qui sont encore en mer et s’apprêtent à essuyer cette nuit un énième front d’Ouest, avec des rafales à 45 nœuds et 5 mètres de creux dans le golfe de Gascogne. C’est le cas de la benjamine de la course, Violette Dorange (Devenir), attendue vers 1 heure du matin, ou d’Antoine Cornic (Human Immobilier), toujours affaibli par sa dengue contractée en début de course. Autant de récits de course qu’il faudra précieusement écouter à leur arrivée, pour parvenir à saisir l’importance de la leçon de résistance qu’ils viennent collectivement de délivrer !