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Bien malheureux celui qui s'aventure à Lorient et demande à un passant la direction du port, car il se verra prestement répondre « Lequel ? » avec une pointe d’amusement. Six ports : voilà ce qui fait de la ville morbihannaise un endroit unique en France, concentré d'activités maritimes à nul autre pareil, où se nouent bien des attaches.

Keroman, gros poisson des ports de pêche français

Suivons le sillage des goélands, voilures au vent à la poursuite des navires, cales pleines d’un frétillant butin, qui font cap vers le port de pêche de Lorient, royaume de la demoiselle… Si la langoustine est le produit phare de Keroman, elle n’éclipse pas totalement la riche diversité des poissons qui y sont débarqués quotidiennement. Du filet à la criée, du port à l’assiette, la « cité du poisson », née sur un banc de sable voilà plus de deux siècles, n’a pas volé son nom.

Sur la plage abandonnée…

Lorsque Keroman n’était que le nom d’une plage, il fallait partir de Groix pour remplir ses filets en mer. Au XVIIIe, le port de pêche, comme tiré des eaux, prend ses quartiers à la place de l’actuel port de plaisance. Mais Lorient grandit vite, et avec elle, le nombre d’estomacs à nourrir !

En 1856, galvanisés par l’appertisation et leurs florissantes conserveries de sardines, les pêcheurs de la rade obtiennent la création d'une « agence pour la vente du poisson », dans les halles centrales, puis une criée, reliée aux chemins de fer à la fin du siècle. Le premier chalutier à vapeur est mis à l’eau, et, dès 1909, le trafic lorientais égale celui des trois ports de Douarnenez, Pont-l'Abbé et Concarneau réunis. 

Les pêcheurs de Lorient voient déjà plus grand ! C’était sans compter sur la Grande Guerre… Les chalutiers sont réquisitionnés par l’armée, les hommes envoyés au front. Au moins, les réserves halieutiques se reconstituent, pendant que les nations s’entretuent. 

Crustacés et poissons font cité

Après-guerre, Lorient est avant tout un port militaire, mais, tandis qu’à Kergroise le port de commerce prospère, les chalutiers toujours plus nombreux commencent à gêner… C’est qu’ils prennent de la place, sur ces quais partagés ! 

Sur demande de l’Etat, la ville développe alors un port de pêche industrielle à la pointe - le premier de la façade atlantique.  La presqu’île de Keroman, à la confluence de la rivière Ter, est finalement choisie. Criée, bassin à marée, « glacière », raccordement ferroviaire, slipway - en étoile, s’il vous plait - aire de réparation navale et même usine à glace y sont bâtis en quelques années ! Le bassin long accueille d’abord les pinasses ételloises, tandis que sur le quai extérieur, les marins débarquent le contenu de leurs filets.

Véritable cité du poisson, le port jouit d’une belle renommée grâce au merlu, ce carnivore gris ardoisé à la mâchoire tranchante, qui vit en profondeur le jour mais remonte la nuit pour chasser. En 1931, ce sont 23 000 tonnes de poissons qui y sont vendues - contre 15 800 trois ans auparavant… Mais la crise du charbon rebat les cartes ! Ruinés, les pêcheurs lorientais adoptent pour moitié le moteur à essence… avant d’être frappés de plein fouet, à nouveau, par le grondement des armes. 

Détruit par les bombardements alliés, la reconstruction du port de pêche se fait en moins de dix ans. Mais quitte à rebâtir, autant améliorer ! Le bassin long s’agrandit de 130 mètres de criée en 1952, puis 50 mètres de plus en 1957, 75 mètres de plus en 1959, et 75 mètres de plus en 1962 ! C’est aussi à cette époque que la première chaîne de débarquement avec tapis-roulant ouvre. La flotte d’Etel, attirée par ces infrastructures, s’installe à Keroman. Lorient devient l’un des ports de pêche les plus importants de France - et même le plus grand port de pêche breton avec ses 55 hectares de concession. 

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                                                                                                                                                                              © Lorient Agglo

A l’heure de la criée 

Aujourd’hui, les chariots élévateurs et les camions frigorifiques se fraient un chemin entre les bâtiments des multiples entreprises implantées sur ce vaste espace : plus de 3700 personnes y travaillent. Et, même si le nombre de bateaux a chuté de 28 % en vingt ans au niveau national, environ 800 marins-pêcheurs y œuvrent, organisés en bataillons bien distincts… Chalutiers, caseyeurs, fileyeurs, ligneurs, et bolincheurs s’aventurent quasiment chaque jour près des côtes, entre les îles ou au large de leur port d’attache !

4h du matin sur les quais : après leur séjour en mer, les bateaux abordent pour débarquer leur butin. Le port s’active tout au long de la nuit et au rythme des marées. Le poisson passe entre les mains d’un vivier de professions : le calier, le treuilliste, le déverseur, le trieur, le fileteur...

Et quand vient l’heure de la criée - ou plutôt des criées, suivant que la pêche est côtière ou hauturière - les mareyeurs affluent pour acheter poissons, coquillages et crustacés. Comme dans tous grands ports, le crieur ne donne plus de la voix… mais du clavier, avec système informatique de prévente à la clé ! 

A Lorient, merlus, élingues, baudroies, lottes, lieu noir et autres poissons frais se retrouvent bien vite sur les étals des halles de Merville, où les poissonniers tiennent une place centrale. Surtout, l’habitué, le badaud et l’estivant viennent y trouver un petit crustacé de grande renommée, le Graal couleur corail… Car Lorient, c’est aussi le premier port langoustinier français !

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                                                                                                                                                               © Lorient Agglo

Carte d’identité 

  • 55 hectares de concession portuaire
  • 1ère criée de France et 1er port de pêche de Bretagne en tonnage et en valeur
  • 1er port de débarquement de langoustines vivantes 
  • 110 navires de pêche, dont 8 hauturiers
  • 18 109 tonnes de produits de la pêche débarqués en 2022
  • 70,3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022
  • 1 chaîne complète de transformation
  • 800 marins pêcheurs
  • 220 acheteurs agréés
  • 3 743 emplois (pêche, transformation et logistique)

 


La demoiselle, gourmandise de Keroman

 C’est un joyau délicat qui contribue à son rayonnement et à sa renommée, si bien qu’il est devenu l’un des symboles de Lorient. Tous les ans, ce sont entre 700 et 900 tonnes de langoustines qui sont déchargées à Kergroise, soit entre 1,5 et 2,5 tonnes par jour. Ou plutôt chaque nuit, quand la ville plonge dans le sommeil. Quatre heures seulement s’écoulent entre le débarquement et la vente à la première criée ! 

C’est que la demoiselle, comme elle est surnommée en Bretagne pour ses grâcieux mouvements, ne souffre pas d’attendre. Conservées à bord des chalutiers où elles sont immergées dans des viviers d’eau de mer, les langoustines arrivent au port encore frétillantes ! Ensuite, les équipements à quai ont été conçus pour préserver sa vivacité - avec salle brumisée à l’eau de mer… rien n’est trop beau pour elle ! Le but ? Proposer la langoustine vivante sur les étals des poissonniers. Alors, la pimpante peut garnir les paniers et gagner les tables estivales des restaurants de Lorient. 

Car oui, produit local saisonnier, la langoustine se déguste aux beaux jours. La saison commence au printemps pour les pêcheurs de la façade atlantique, lorsque le crustacé daigne quitter son abri d’hiver. Dans le premier port langoustinier de France, on l’attend plus qu’ailleurs. Le mois de mai amorce en effet la généreuse pêche, qui se déroule

sur la Grande vasière, entre Belle-Île et le sud de Penmarch, où la belle niche et se déniche par 60 à 100 mètres de fond. 

Local, de saison et durable… car la pêche à la langoustine se veut responsable afin de protéger la ressource, et la richesse ! En plus du respect de la saisonnalité et des zones de pêche, la voilà placée sous quotas européens, tandis qu’une taille minimale de 9 cm réglemente son commerce. Scientifiques et professionnels du port de Lorient travaillent à sa préservation, de concert avec les pêcheurs. 

Dans le bassin de l’Ifremer sont mis au point des dispositifs sélectifs sur les chaluts. Ainsi, les pêcheurs se voient équipés de mailles serrées et d’un système de goulotte pour rejeter à l’eau les juvéniles (tout en leur assurant un bon taux de survie). Épargnées, les petites mignonnes ont une seconde chance de grandir dans l’océan - si elles ne croisent pas la route d’un merlu affamé. 

Dans sa robe rose, difficile de ne pas en pincer pour elle ! Valorisée sur les marchés du Grand Ouest, celle que l’on nomme aussi « l’or rose de Lorient » affiche un prix moyen de vente d’environ 12 euros le kilo. Aujourd’hui, le marché de celle qui annonce le printemps mieux que l’hirondelle à Lorient, est essentiel pour Lorient.